Visite

- Non, pas la plus ancienne, mais les gens la touchent chaque fois qu'ils passent devant.

Devant l'air étonné de sa soeur, Damiya continua :

- Ca porte bonheur de la toucher.

Pourtant, la peinture représentant un navire vogant dans la tempête n'était pas particulièrement belle ou originale, mais elle représentait un fait marquant de l'histoire des Salaÿ : le Premier Exode.

kalira effleura la peinture du bout des doigts avec une sorte de recueillement. Elle resta un instant silencieuse puis se ressaisit et recommença à visiter la galerie. Elle se retourna un bref instant et lâcha d'un ton qu'elle voulait innocent :

-Je pensais qu'il y aurait des oeuvres représentant Damiya... Vous n'en avez aucune ?

- Elles ont toutes été détruites lors de la Grande Incroyance. A l'arrivée des Créatures sur Mû, les Salaÿ ont estimé que leur déesse les avait abandonnés, ils l'ont donc abandonnée elle aussi. Ils se sont tous tournés vers Moon'Y'Dashkra pour lui demander la mort des Créatures.

La Salaÿ lui fit un clin d'oeil, étonnant après ce discours empreint de gravité.

- Néamoins, il nous reste une statuette, merveilleusement exécutée. Ironie du sort, c'est une Créature qui l'a protégée de la vindicte populaire pour que ses descendants nous la rendent cinq générations plus tard.

Damiya dirigea sa visiteuse devant une petite alcôve ténébreuse.

-Très ressemblant.

Kalira ne tenta pas de s'expliquer, elle se doutait de plus en plus que Ayimad était Damiya. Mais elle ne lui en voulait pas car elle même avait souvent caché son identité.

-Et très bien exécuté. Les Salaÿs sont décidemment des gens fascinants.

- Merci. Vous voulez visiter les étages supérieurs ? Il y a des représentations très anciennes de Kalira, elles datent de l'Âge d'Or. Nous avons aussi deux ou trois peintures de Moon'Y'Dashkra. Au sous-sol, il reste d'anciens parchemins qui nous apprennent beaucoup sur nos ancêtres.

Tout en parlant, la guide désigna un escalier en colimaçon tapi dans un coin de la pièce. Les marches en étaient raides mais une rampe de fer forgé permettait d'éviter les accidents. Ou du moins la plupart.

-Je n'aurais jamais le temps de tout visiter ! A moins d'un sort de vitesse ! Il vaut mieux que j'arrête la visite si je ne veux pas passer la nuit ici.

La curiosité naturelle de Kalira finit cependant par l'emporter puisqu'elle ajouta d'une toute petite voix :

-Mais je veux bien monter pour voir les statues de Kalira.

Kalira fit une grimace amusée en constatant que par contre ses statues n'étaient pas très ressemblantes...

-C'est joli mais d'une oeuvre à l'autre, on voit qu'ils n'ont aucune idée de la vraie apparence de la déesse ! Enfin... Comme je... comme elle se métamorphose souvent....

Je vais finir par me trahir si je continue comme ça ! Mieux vaut ne pas trop parler.

- Eh bien, comme la déesse n'est encore apparue à aucun de nous, nous n'avons qu'une vague idée de ce à quoi elle ressemble...

Ayimad avait répondu à la grimaçe de Kalira par un sourire ironique qui barrait sa joue. Elle l'emmena vers le fond de la pièce, où étaient entreposées des peintures plus anciennes représentant les déesses encore unies...

Kalira regarda les statues, silencieuse. Elle se sentait de plus en plus coupable ces derniers temps vis à vis des Créatures et sourtout de Moony... Et puis de Damiya aussi avec qui elle s'entendait si bien auparavant. Elle tenta de parler mais sa voix tremblait légèrement :

-C'est... Très beau. Merci de m'avoir montré tout ça... Ayimad.

- Tu préfères attendre demain pour voir le reste, c'est ça ? Tu as l'air fatiguée. En plus, notre cité ne se visite pas en un jour.

Damiya sortit un morceau de papier de sa poche et griffonna quelques lignes.

- Voilà, viens à cette adresse demain à l'heure que tu veux, on reprendra la visite.

-C'est vrai que j'ai déjà été plus en forme...

Kalira prit délicatement le papier des mains de Damiya et resta un instant pensive.

-Merci beaucoup... Qui que tu sois.

Elle tourna rapidement les talons et descendit l'escalier trop vite pour qu'on la retienne. On ne sait jamais. En sortant du musée, elle leva les yeux vers le premier étage. Un léger sourire passa sur ses lèvres.

-Merci...

Ayimad descendit l'escalier mains dans les poches en sifflotant. Elle avait été bien contente de montrer à sa visiteuse les merveilles de ce peuple. Elle baissa une gavroche sur son front et enfila une gabardine sombre qui trainait. Ainsi transformée, elle disparut dans la cité, un murmure aux lèvres.

- De rien.