La corne d'or

Vous avancez, sans vraiment savoir où vous allez. Vous flânez... Soudain, un bruit vous fait sursauter. Vous regardez autour de vous et vous voyez un grand portail doré. Au dessus, une enseigne annonce : La corne d'or.

Intrigué vous entrez et vous vous retrouvez dans un immense jardin. Et dans l'herbe, des cheveux broutent tranquillement. L'un d'eux hennit et à nouveau vous sursautez.

-N'ayez pas peur, ils ne sont pas méchants !

Vous vous retournez d'un bond, pour vous retrouvez nez à nez avec une petite fille blonde, avec les yeux verts et des taches de rousseur. Elle vous sourit.

-Ici, nous vendons des chevaux. Si vous ne pouvez pas vous occuper du vôtre, nous pouvons également le prendre en charge.

Puis, vous désignant le fond du jardin :

-Vous n'avez pas le droit de franchir ce grillage. Derrière se trouvent des chevaux un peu... particuliers. Si vous en souhaitez, venez me voir. En attendant, vous pouvez visiter !

Ayant appris par le bouche à oreille qu'une boutique de chevaux avait ouvert et semblait dirigée uniquement par une petite fille, Damiya prit une forme humanoïde et revêtit un long manteau sombre. Elle était résolue à aller visiter la nouvelle lubie de Kalira.

Au pire, si quelqu'un retire mon capuchon, je me transforme en Cho-Ja, ces terribles guerriers insectes qui hantent le désert.

Elle approcha du portail doré et sonna trois fois, leur chiffre convenu. Sans attendre de réponse, elle entra et commença à flâner au milieu des enclos. Insensiblement, elle se dirigeait petit à petit vers celui du fond.

Kalira entendit sonner trois fois puis ce fut le silence. Elle était en train d'entrainer un de ses chevaux et ne put donc venir tout de suite. Quand elle alla enfin dans le jardin, elle trouva une jeune fille au visage caché par sa capuche qui avancait vers le fond.

Damiya.

Prenant une forme de fillette, elle se dirigea vers la visiteuse et l'interpellla :

-Bonjour ! Puis-je faire quelque chose pour vous ?

- oui, s'il te plaît, Kali.

répondit la visiteuse, pas dupe.

- J'ai vu sur cette affiche qu'il y avait des chevaux spéciaux. J'aimerais les voir, s'il te plaît.

Kalira hésita. Elle se doutait que sa visiteuse trouverait vite sa véritable identité.

-Je préfèrerais te les décrire. Certains sont... incontrolables. Même pour une déesse.

Elle rejeta ses longs cheveux en arrière et jeta un coup d'oeil méfiant vers la porte. Personne. Elle reprit :

-J'ai des pégases, des licornes, des chevaux cracheurs de feu, des... En fait, ce serait plus simple si tu me dis ce que tu veux.

Ce que je veux ? Tu sais que ma chimère a été tuée récemment par un chasseur trop adroit ? J'aimerais un messager pour la remplacer, plus discret, qui peut voler, se défendre contre les gros oiseaux et transmettre des messages, de préférence en parlant, mais attaché si tu n'as rien d'autre.

Damiya avait préféré troquer la parole contre la télépathie, plus discrète si l'on discutait de choses secrètes comme celles-là.

Kalira hocha la tête, pensive.

J'ai peut-être ce qu'il te faut. Une race spéciale... Mais je n'ai que des mâles dans cette espèce là. Ca te conviendra ?

Naëma flânait non loin de là, sous sa forme préférée d'une petite chatte de couleur crème. Brusquement, elle sursauta en voyant la grande enseigne dorée qui la surplombait. Elle entendit au loin un hennissement rageur et un bruit de sabots.

La Corne d'Or... ? Qu'est-ce que c'est encore ?

Par mesure de précaution, elle reprit sa forme humaine et passa le portail. A sa grande surprise, elle se retrouva nez à nez avec... une fillette !
Elle promena son regard autour, mais elle semblait être la seule habitante de ce lieu. Derrière elle, les hennissements reprirent.

- Bonjour, hésita Naëma. Ce... c'est une boutique, ici ?

Kalira s'était retournéé d'un bond : une cliente !

-Je te laisse, pendant ce temps tu peux réfléchir.

Et tu peux aller jeter un coup d'oeil derrière l'enclos mais ne le franchis pas.

Elle se dirigea vers une jeune fille qu'elle reconnut aussitôt. Mais comme Naëma ne la connaissait pas sous cette forme, elle jugea plus prudent de faire comme si de rien n'était.

-Bonjour ! Oui c'est une boutique ici, une boutique de chevaux. Mais aussi de chevaux un peu spéciaux comme des pégases, des licornes...

Des pégases ou des licornes ?

La curiosité de Naëma était éveillée. Vivement intéressée, elle demanda :

- Heu... Même si je n'en achète pas, je peux les voir ? Avez-vous d'autres espèces de chevaux... spéciaux ?

Kalira leva les yeux au ciel. Qu'est ce qu'ils avaient tous !

-C'est sensé être interdit... Cela peut être très dangereux. Je peux vous montrer des portraits extrèmement réalistes que je possède mais pas plus.

Elle devinait que la Créature serait déçue mais elle ne le pouvait pas.

- Mmm.

Naëma se sentait déçue. Elle aurait beaucoup aimé voir des créatures extraordinaires...
Elle se ressaisit et plaqua un sourire sur son visage.

- Ce n'est pas grave, assura-t-elle. Mais dans ce cas, je peux voir les autres ?

Kalira sentit la déception de Naëma et tenta de la consoler.

-Vous savez, si je ne veux pas que vous vous en approchiez c'est parce que c'est trop dangereux ! Mais vous pouvez bien entendu voir les autres.

Kalira fit signe qu'elle devait s'occuper de l'autre cliente puis s'éloigna.

- Oui, oui, je comprends, bafouilla Naëma. Excusez-moi, demanda-t-elle en courant derrière la fillette, mais heu... ils sont où, les autres ?

Elle rougit, un peu gênée de son ignorance. Mais elle avait toujours admiré les chevaux et avait hâte d'en voir...

Kalira se retourna, sans pouvoir cacher son étonnement.

-Avez-vous seulement regardé autour de vous ? Ils vagabondent en liberté dans ce jardin ou sont derrière des enclos. Mais dans tous les cas, vous pouvez les voir !

Kalira parlait sans méchanceté mais toujours sous l'effet de la surprise.

- Ah ?

Naëma venait de se rendre compte de la présence des chevaux autour d'elle.

Je devais être mal réveillée.

Elle s'approcha d'un magnifique étalon palomino dont elle flatta l'encolure. Il tourna sa tête vers elle et lui donna un coup de museau qui la fit rire aux éclats.

- A combien vendez-vous vos chevaux ? demanda-t-elle tout en lui caressant la tête. Vous vendez aussi du matériel ?

-Ca dépend. Il y en a de très doués... Ceux-la valent généralement assez cher. Je vends aussi de la nourriture pour chevaux mais pas de selles ou de choses comme ça.

Kalira sourit en voyant à quel point Naëma et l'étalon semblaient complices. Elle siffla doucement et une magnifique jument blanche arriva en trottant suivie de son poulain palomino.

-Voici sa famille.

Naëma sourit joyeusement en voyant le poulain. Il était si mignon ! Elle s'en approcha doucement pour ne pas l'effaroucher et le caressa. Il leva les oreilles, intéressé, et fourra son museau dans sa main. Elle sourit franchement, au comble du bonheur.

- Je crois que je vais vous prendre celui-là... Il s'appelle comment ?

-Je ne lui ai pas donné de nom. En fait, il fait partie de ces chevaux spéciaux mais lui n'est pas dangereux. Alors je le laisse en liberté. Sa particularité est qu'il peut mourir pour celui qui lui a donné son nom.

Kalira fit claquer sa langue et le poulain s'approcha gaiement.

-Il est en bonne santé, ça ira.

La créature encapuchonnée s'était assise sur le rebord d'un enclos pour réfléchir...

Que des mâles ? Le problème est que je voulais le reproduire... Au pire, je le change en femelle...

Elle se décida enfin à parler.

- Et où attrapez-vous ces chevaux spéciaux dont vous m'avez parlé ?

-C'est top secret, Mademoiselle. Vous ne voudriez pas qu'on me fasse concurence ?

Kalira parlait comme pour une plaisenterie mais son regard montrait qu'il n'en était rien. Elle décida d'argumenter par téléphatie.

Tu pourras peut-être en changer en femelle. Mais le coût de magie sera très élevé. En tout cas, moi, je ne prends pas le risque de les tuer. Ce sera à toi de décider... Quand tu en auras acheté.

Naëma prit le temps de réfléchir mais se décida finalement pour le poulain. Elle imaginait déjà les séances d'entraînement, les longues chevauchées, les...

Ne rêve pas trop, se morigéna-t-elle. Il n'est pas encore à toi.

- Bon, je le prends, annonça-t-elle sans faire attention à la deuxième cliente. Il coûte combien ?

Kalira sourit et répondit par une autre question :

-Vous avez combien ? Parce que je peux vous faire un prix... Et puis, ce poulain vient juste d'être sevré, il a besoin d'affection. Je ne le donnerais donc pas à n'importe qui. Et il semble bien vous aimer. Et vous, vous me semblez digne de confiance.

- Merci, répondit Naëma en souriant.

Elle ouvrit la bourse qui pendait à sa ceinture et en inventoria le contenu.

- Je dois avoir une centaine d'écus ici. Est-ce que ça peut aller ? Je peux aussi aller en chercher chez moi, ajouta-t-elle.

-100 écus. Mmm. Ca ira je pense.

Kalira siffla de nouveau et le poulain, qui s'était éloigné, revint à toute allure. La déesse l'emmena vers une espèce d'écurie un peu à l'écart.

-Venez, j'ai besoin de vous.