Larmes sur le marbre

Shânylla avançait silencieusement. Elle s'arrêta devant deux tombes, deux tombes de marbre blanc, d'un blanc immaculé... Deux tombes côte à côte qui semblaient rayonner de l'intérieur. Shânylla s'agenouilla et passa ses doigts sur le marbre, effleurant chaque contour, chaque caractère gravé... Des larmes roulèrent sur ses joues. Elle n'avait pas apporté de fleurs, les fleurs se fanent avec tristesse. Elle était venu les mains vides, elle cherchait seulement à retrouver ses tombes, les carresser, les embrasser...
Ses parents dormaient là, côte à côte, depuis des années... Ils sommeillaient et Damiya les avaient réveillés. Mais à présent ils étaient retournés dans leur tombeau. Shânylla essuya ses larmes. Elle n'avait pas le droit d'être triste, de se plaindre. Elle avait ses parents et les avaient entendu... Elle savait qu'ils l'aimaient et qu'ils étaient fier d'elle dans la mort, qu'ils veillaient sur elle...

Papa, maman, je vous aime...

Et Shânylla se releva pour repartir lentement entre les tombes.

Une chatte d'un blanc immaculé se faufilait entre les tombes. Naëma avait revêtu cette apparence car elle considérait que le blanc était une couleur pure - et pour rien au monde elle n'aurait manqué de respect aux morts. Elle n'avait elle-même pas de tombes à visiter, mais certaines traditions estiment qu'un chat couché sur une tombe est un bon présage.
Elle marchait donc d'un pas calme, le nez au vent, reniflant toutes les effluves qui se dégageaient du cimetière. Ici, une senteur de roses, là de tulipes - il y avait trop de fleurs pour qu'elle les compte toutes.

Au détour d'un cercueil, elle croisa une jeune elfe qu'elle reconnut immédiatement. Son beau visage était strié par deux coulées de larmes et elle avançait d'un pas rapide. Naëma s'assit sur le côté et, quand l'elfe passa devant elle, elle murmura doucement :

- Shânylla... ?

- Tiens, c'est toi Naëma ?

Shânylla essuya ses larmes et tenta un faible sourire.

- Toi aussi tu es venue pleurer quelqu'un ?

Naëma se sentit un peu gênée.

- Non, je n'ai personne à pleurer. Mais j'aime bien me promener ici. C'est si calme...

- Ce n'est sinistre que la nuit, et encore. Personnellement, les caveaux me font très peur... Mais ces tombes sont si belles ! Et les fleurs égaient un peu l'endroit, ça fait une touche de couleur dans un monde blanc.

- Pas faux, répondit Naëma, amusée. Mais je n'aime pas les caveaux à cause des araignées... J'ai une peur bleue des araignées, tu sais. Je n'essaierai jamais de me transformer en ce... truc.

Un peu nerveuse d'avoir évoqué les créatures qui hantaient ses cauchemars, Naëma se mit à faire les cent pas autour de la tombe sur laquelle elle s'était précédemment installée. La nuit commençait à tomber et l'horizon à se teinter de sang ; le soleil n'allait pas tarder à disparaître.
Peut-être pour se rassurer elle-même, elle se transforma en jeune panthère et vint se blottir contre Shânylla.

- Dommage que cet espèce de bâtiment nous cache le coucher de soleil...

Elle huma l'air et frissona.

- Brrr, il fait froid tout d'un coup.

- Peur des araignées ? murmura l'elfe, pensive. Elle n'avait jamais songée à ça. Naëma qui pouvait se transformer en panthère avait peur des araignées ! Elle n'avait pas envie de se moquer mais ça lui paraissait un peu ridicule, c'est pourquoi elle changea de sujet.

- Pour le coucher de soleil, c'est vrai que c'est dommage... Et moi aussi j'ai froid, je n'ai pas de fourrure ! En plus, les cités ne sont pas à côté. Il faudrait rentrer. On pourra s'arrêter à la Montagne d'or, ce n'est pas nos terres mais au coucher de soleil c'est magnifique ! Et si tu es en mouche personne ne te remarquera.

- Pourquoi faudrait-il qu'on ne me remarque pas ? répondit Naëma en souriant, déouvrant ses longues canines parfaitement blanches.

Prise d'une inspiration subite, elle se métamorphosa en renarde et grimpa sur le dos de Shânylla qui sursauta, étonnée. Elle se lova autour de son cou en gonflant sa fourrure le plus possible.

- Histoire de te tenir chaud, chuchota-t-elle.

- Merci, murmura Shânylla, revenant de sa surprise. Ce serait bien d'être discret parce que... Une créature dans les terres Salaÿ...

Shânylla fit une petite pause et regarda le soleil se couchait. Machinalement, elle caressa la douce et chaude fourrure de Naëma. La queue de cette dernière la chatouillait agréablement.

- Mais tu es très bien en renarde. Et puis, à cette heure... C'est peut-être désert. On y va ?

- Aucun problème, répondit joyeusement Naëma.

Créature ou pas, elle avait hâte de découvrir de nouvelles terres.

[J'ouvre. ]